Le peuple face aux tueurs de la patrie


L’équipementier automobile Trèves réclame à 85 ex-employés de son usine d’Aÿ, dans la Marne, le remboursement d’arriérés de salaires. L’entreprise avait fermé ses portes et licencié 150 personnes en 2010, à peine quelques mois après avoir touché une aide de 55 millions d’euros du Fonds de modernisation des équipementiers automobiles.


L' « excellence industrielle » de l'équipementier automobile Trèves, qui licencie 150 personnes en 2010, quelques mois à peine après avoir touché une aide de 55 millions d’euros du Fonds de modernisation des équipementiers automobiles - Capture écran Treves.fr
L' « excellence industrielle » de l'équipementier automobile Trèves, qui licencie 150 personnes en 2010, quelques mois à peine après avoir touché une aide de 55 millions d’euros du Fonds de modernisation des équipementiers automobiles - Capture écran Treves.fr 
 
 
Rembourser 3 200 euros d’arriérés de salaires à son ex-employeur quand on est chômeur en fin de droit à 490 euros par mois. Il n’a pas fallu longtemps à Christine Tuffin pour résoudre l’équation : « Je ne peux pas payer ». Comme 84 autres anciens salariés de l’usine PTPM d’Aÿ, la filiale champenoise de l’équipementier automobile Trèves, Christine Tuffin a été sommée de reverser la somme touchée en 2011 pour compenser des années de bas salaires (rappels de salaire assortis de dommages et intérêts). Le tribunal des prud’hommes et la Cour d’Appel de Reims avaient octroyé cette réparation aux ex-PTPM peu après la fermeture du site d’Aÿ, en 2010.
 
La Cour de Cassation leur a repris cet infime dédommagement, et il y a deux semaines, les huissiers ont débarqué chez les licenciés. « On donne raison à un groupe qui a reconnu nous avoir grugé sur les salaires… », grince Christine Tuffin. « Personne n’a les moyens de payer. C’est irresponsable de la part de Trèves ». Au total, l’entreprise réclame un peu plus de 200 000 euros à ses anciens employés. Soit, pour chaque ex-PTPM, de 2 000 à 7 000 euros.

La plupart d’entre eux n’ont pas retrouvé de travail. « Si par principe, je refuse catégoriquement de rembourser Trèves, il n’en reste pas moins qu’une décision de justice se doit d’être appliquée », explique Christine Tuffin. « Etant donné que financièrement je suis dans l’incapacité de payer, je demanderai aux magistrats de la Cour de cassation de Paris de transformer ma dette en période de prison ». Le 19 mars dernier, elle s’est donc présentée à la maison d’arrêt de Reims pour se constituer prisonnière (voir vidéo ci-dessous). Et dénoncer ce nouveau coup bas de la part de Trèves.


Pour voir la vidéo , suivez le lien ci-dessous
L’équipementier automobile, de son côté, assure être conscient des situations des salariés et jure avoir décidé d’agir « le plus humainement possible ». « Il n’est pas question de mettre en difficulté les personnes », assure-t-on.  Et de rappeler que les demandes de rappel de salaires des ex-PTPM tombent sous le coup de la prescription, comme l’a estimé la Cour de Cassation. Il n’empêche. 
 
Etait-il nécessaire de faire appel aux huissiers pour récupérer les sommes touchées début 2012 ?

En 2009, déjà, Trèves avait scandalisé ses salariés en fermant l’usine d’Aÿ quelques mois seulement après avoir reçu 55 millions d’euros de la part du Fonds de modernisation des équipementiers automobiles (FMEA), une structure créée par Nicolas Sarkozy pour le maintien de l’activité sur le territoire.
 
 Le deal était clair : pas d’aides de l’Etat sans contrepartie. Face à la promesse non tenue de Trèves, les ouvriers, les habitants d’Aÿ, les élus locaux puis, petit à petit, des contribuables de toute la France avaient alors porté plainte contre le groupe pour « utilisation frauduleuse de leurs impôts ». 
 
« L’argent des contribuables et des épargnants ne peut être laissé sous la seule responsabilité d’illusionnistes. Il doit servir à construire, avec les jeunes générations, le grand projet d’une économie régionale et nationale, améliorant de la sorte notre “société ouverte” au cœur de la zone euro. Cela passe par le maintien et le développement de notre tissu industriel », expliquaient les 2 500 « citoyens contribuables responsables ».

« Il ne s’agissait pas d’une subvention, mais d’une recapitalisation. Notre groupe était au bord du dépôt de bilan », plaide Trèves, ajoutant que l’entreprise connaît toujours des difficultés. La plainte des contribuables a été classée sans suite. L’équipementier n’a pas eu à rembourser.
 
 Ses salariés auraient certainement aimé connaître le même sort.




Courrier à Mr le Préfet de la Région Champagne-Ardenne





Mme TUFFIN  Christine
15 bis rue Roger Sondag
51160 AY                                                                                                 

                                                                                       Monsieur Pierre DARTOUT
                                                                                       Préfet  de la  Région Champagne Ardenne
                                                                                       Hôtel de la Préfecture
                                                                                       51000 – CHALONS EN CHAMPAGNE

    AY, le 27 Mars 2014



Objet : Demande de rendez-vous dans le cadre de l’affaire des Ex-salariés de PTPM / TREVES


               Monsieur le Préfet,

               Je me permets d’attirer votre attention sur le problème que rencontrent les ex-salariés de la PTPM avec leur ancien employeur le groupe TREVES.

               En 2010, 86 salariés de PTPM ont engagé une action contre le groupe TREVES afin de faire reconnaître par la justice le préjudice qu’ils avaient subi sur leurs salaires pendant plus de 10 ans.
               En mai 2010, le tribunal des prud’hommes de Reims, puis la Cour d’Appel de Reims dans son arrêt du 30 novembre 2011 donnent raison aux ex-salariés de la PTPM et ordonnent le paiement des arriérés de salaire ainsi que des dommages et intérêts pour préjudice moral et financier.
               Le groupe TREVES se pourvoit en cassation et obtient de la Cour de cassation, lors de son audience du 13 mars 2013, que le jugement soit cassé partiellement sans renvoi.

               Aujourd’hui, le groupe TREVES envoie des huissiers pour faire exécuter le jugement et s’acharne ainsi sur des personnes en fins de droit et ayant comme seul revenu 490 €  mensuel. 

               Le profond malaise qui traverse notre société tire son essence de ce genre de comportement dangereux. Un groupe responsable se serait contenté d’une victoire morale et ne s’acharnerait pas ainsi sur ses anciens salariés.

               Devant cette situation, je vous serais reconnaissante de bien vouloir recevoir une délégation de quatre personnes que je conduirai. Monsieur Dominique LEVEQUE, Maire d’AY, pour sa part, a adressé un courrier à Monsieur le Président de la République ainsi qu’à Monsieur le Ministre du Redressement Productif.

               Espérant que ma sollicitation retiendra toute votre attention,

    Je vous prie de croire, Monsieur le Préfet, en mes respectueuses salutations.

Christine TUFFIN



L' UNION DU 18 Mars 2014

REIMS (51). Christine Tuffin est une ancienne salariée de PTPM à Aÿ. Suite à une décision de la cour de cassation, elle et ses anciennes collègues se retrouvent contraintes de rembourser leur ancien employeur.

PTPM MAISON D ARRET 14.JPG

« Il veut nous humilier. » Les anciens salariés de PTPM, à Aÿ, pensaient en avoir terminé avec leur ancien employeur, le groupe Trèves. Mais depuis vendredi, ils reçoivent des courriers d’huissiers les mettant en demeure de rembourser une partie des sommes qu’ils ont obtenues au conseil des Prud’hommes, validées en appel, mais annulées en partie par la cour de cassation.
Les sommes réclamées varient de 2 000 à plus de 5 000 euros. Ils ont huit jours pour mettre en place les modalités de remboursement. Christine Tuffin devrait rembourser 3 200 euros, alors que sans travail et en fin de droits, ses revenus mensuels sont de 490 euros. Elle a donc décidé, pour alerter l’opinion et les responsables politiques, de se constituer prisonnière ce mercredi 19 mars à la maison d’arrêt de Reims. Vêtue d’un pull rayé, elle est arrivée comme prévu à la maison d’arrêt de Reims, pour se constituer prisonnière afin de « transformer [sa] dette en période de prison ». Reçue devant la porte par le directeur-adjoint de la maison d’arrêt, Mme Tuffin a été poliment éconduite mais elle a réussi son coup : faire connaître le désarroi des ex-PTPM.

« C’est scandaleux »

Ce mardi, Christine Tuffin était avec 25  autres ex-PTPM devant la mairie d’Aÿ pour appeler à la résistance. Beaucoup ont peur et craignent d’être saisis car ils n’ont pas les moyens de payer. Élizabeth Duquenoy est décédée il y a deux ans. C’est sa fille qui va devoir rembourser presque 4 200 euros. « Je suis très en colère, ma mère méritait cet argent. »
Dominique Lévêque, le maire d’Aÿ, a tenté de rassurer les ex-salariés très inquiets : «  Ne vous précipitez pas pour payer. Je vais écrire à Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif, au président de la République… C’est scandaleux que le groupe Trèves soit passé à la phase de recouvrement. Il aurait pu rester sur une victoire symbolique.  »



Courrier à la presse



Madame ,  Monsieur

Vous souvenez-vous de l’affaire TREVES / PTPM ou de l’affaire dite « 2000 plaintes de contribuables contre TREVES » ?

Pour mémoire :

Après avoir perçu 55 millions d’euros d’aides publiques  (dont la moitié en épargne publique, ce qui est interdit pour les entreprises en S.A.S), après avoir jeté comme des kleenex ses 130 salariés, après avoir morcelé le site PTPM afin d’échapper à leur obligation de dépollution (sauf pour les riverains séparés uniquement par un grillage et qui, eux, sont contraints de déclarer le problème de la pollution à d’éventuels acquéreurs, engendrant, de fait, une perte de valeur de 30 à 40 % de leur patrimoine), voilà que maintenant  le Groupe TREVES envoie les huissiers pour récupérer des arriérés de salaire (TREVES nous a grugés pendant 10 ans) que les prud’hommes et la cour d’appel de Reims avaient attribués aux ex-salariés de PTPM… jugement que la Cour de cassation a partiellement cassé !

Cette histoire est d’autant plus scandaleuse que presque tout le personnel est entré en fin de droit (490 € par mois) et que le groupe TREVES s’acharne sur des morts-vivant.

Personnellement concernée par les revenus à 490 € mensuels, vous comprendrez aisément qu’il est hors de question que je rembourse quoi que ce soit. C’est pourquoi, lors du rassemblement que les ex-PTPM organisent avec la presse le Mardi 18 mars à 17 h 00, place de la Mairie d’Ay, j’annoncerai publiquement que je me constituerai prisonnière le mercredi 19 mars à 14 h 00 à la Maison d’Arrêt de Reims. 

Si, par principe, je refuse catégoriquement de rembourser TREVES, il n’en reste pas moins qu’une décision de justice se doit d’être appliquée. Etant donné que, financièrement, je suis dans l’incapacité de payer,  je demanderai donc aux magistrats de la Cour de cassation de Paris de transformer ma dette en période de prison. Libre à eux de fixer une peine en rapport avec les 3 200 € que je dois.

Le plus incroyable dans cette histoire, c’est qu’une fois de plus, les fossoyeurs de notre industrie obtiennent gain de cause. Monsieur de la Fontaine le disait en son temps :

  Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou   noir……rien de nouveau sous le soleil !

Cordialement

Christine TUFFIN